28/03/2024 MÉXICO

Les instruments juridiques multi-niveau de lutte contre les Mutilations Génitales Féminines en Europe

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Les instruments juridiques internationaux contre les MGF.

Les MGF constituent une coutume ayant pour but de contrôler la sexualité et le corps des femmes et sont reconnues comme une violation des droits humains des femmes et des filles tant  à l’échelle internationale que dans l’Union Européenne et au sein des législations des Etats Membres.

Définition de l’Organisation Mondiale de la Santé

«Les mutilations sexuelles féminines recouvrent toutes les interventions incluant l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme ou autre lésion des organes génitaux féminins pratiquées pour des raisons non médicales»

Les instruments juridiques internationaux contre les MGF

Photo: “Safe from Fear, Safe from Violence” / COE

Les efforts engagés sur le plan international en vue de mettre fin aux MGF ont débuté depuis longtemps. Deux articles de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 constituent la base pour le développement successif de la normative directe à la condamnation des MGF : le droit à la vie, à la liberté et à la sureté de la personne (article 3), et l’interdiction de la torture, des peines et des traitements cruels, inhumains ou dégradants (article 5). Sur la base du Pacte International relatif aux Droits Économiques Sociaux et Culturels du 16 décembre 1966, entré en vigueur le 3 janvier 1976, les MGF constituent une tradition qui viole les droits humains: le droit à l’autodétermination (article 1) et le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre (article 12).  À partir de la Décennie des Nations Unies pour la femme (1975-1985) le sujet des MGF a suscité un grand intérêt et il est sorti finalement de la sphère familiale privée. En faisant référence à la Convention Européenne des Droits de l’Homme, la résolution 1247 (2001) du Conseil de l’Europe, la plus importante organisation de protection des droits de l’homme en Europe, affirme que «les MGF doivent être considérées comme un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la Convention, même si elles sont pratiquées dans de bonnes conditions d’hygiène et par un personnel compétent». Le Conseil de l’Europe a aussi pris une initiative majeure pour promouvoir la protection des femmes contre la violence: la Convention sur la Prévention et la Lutte contre la Violence à l’égard des Femmes et la Violence Domestique, adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 7 avril 2011 et ouverte à la signature le 11 mai 2011, laquelle entrera en vigueur une fois que dix pays l’auront ratifiée. Cette Convention, aussi connue comme Convention d’Istanbul, est le premier instrument européen juridiquement contraignant spécialement consacré à la violence à l’égard des femmes. A la différence de la Convention sur l’Élimination de Toutes les Formes de Discrimination à l’égard des Femmes, mieux connue comme CEDAW et adoptée le 18 décembre 1979, la Convention d’Istanbul contient la définition de violence fondée sur le genre (article 3 d «toute violence faite à l’égard d’une femme parce qu’elle est une femme ou affectant les femmes de manière disproportionnée») en définissant ses différentes formes. La Convention considère la violence faite aux femmes comme une violation des droits de l’homme et comme une forme de discrimination. Elle reconnaît donc les MGF comme une forme de violence à l’égard des femmes et dispose que les actes de MGF, en tant que infractions pénales, doivent donner lieu à des sanctions très sévères.

Article 38a. «Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infractions pénales, lorsqu’ils sont commis intentionnellement: l’excision, l’infibulation ou toute autre mutilation de la totalité ou partie des labia majora, labia minora ou clitoris d’une femme».

En signant la Convention d’Istanbul tous les gouvernements auront donc l’obligation de modifier leurs normatives, mettre en place de best practices et allouer les moyens financiers nécessaires pour soutenir des programmes ciblés contre les MGF, forme de violence «ayant une dimension internationale».

L’Interdiction des MGF dans l’Union Européenne : engagements légaux et stratégiques

Photo: “Le persone e la dignità” / Corriere Objects

L’action menée par l’UE contre les MGF concerne surtout le principe d’égalité et de non-discrimination, mais aussi la santé, la coopération avec les pays tiers, l’asile et l’intégration des immigrées, vu que les sujets exposés au risque du phénomène sont des filles mineures et des femmes qui appartiennent à certains groupes ethniques. Il faut en outre tenir en compte le respect pour la Charte Européenne des Droits Fondamentaux, ayant à l’heure actuelle force juridique contraignante. Le Traité de Lisbonne, entré en vigueur en décembre 2009, prévoit une clause spécifique ayant l’intention de souligner l’importance que l’UE donne à la lutte contre la violence faites aux femmes dans toutes ses formes, la Déclaration n°19 ad article 8 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne (19. Déclaration ad article 8 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. La Conférence convient que, dans le cadre des efforts globaux de l’Union pour éliminer les inégalités entre les femmes et les hommes, celle-ci visera, dans ses différentes politiques, à lutter contre toutes les formes de violence domestique. Il convient que les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour prévenir et réprimer ces actes criminels ainsi que pour soutenir et protéger les victimes).


L’article 2 du Traité sur l’UE dispose que «L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes». Aussi les institutions européennes ont un rôle important à jouer afin de favoriser la fin de la pratique des MGF dans l’UE et dans les pays tiers. Le Parlement européen a plusieurs fois dénoncé la pratique des MGF comme une violation des droits humains en 2001 et 2009, et dernièrement parmi la Résolution du 14 juin 2012 sur l’élimination de la mutilation génitale féminine. Le 21 septembre 2010, la Commission européenne a adopté une «stratégie pour l’égalité entre les hommes et les femmes 2010-2015», laquelle a repris les priorités définies par la Charte des Femmes et a défini une série de priorités pour l’égalité entre les hommes et les femmes, et concernant l’éradication des violences à caractère sexiste elle envisage à: «collaborer avec l’ensemble des États membres pour lutter contre la violence à l’égard des femmes, et notamment pour éradiquer les mutilations génitales féminines en Europe et ailleurs». Le Programme européen DAPHNE III a eu un rôle fondamental comme instrument de financement pour la réalisation de projets transnationaux de lutte aux MGF dans l’UE.

Les modalités de répression pénale des MGF en France et en Italie

En Italie la Loi “Consolo” du 9 janvier 2006 titrée “Disposizioni concernenti la prevenzione e il divieto delle pratiche di mutilazione genitale femminile” a introduit l’article 583 bis du Code Pénal, une norme spécifique incriminant, au premier alinéa, la conduite qui est cause de mutilation des organes génitaux féminins, en absence d’exigences thérapeutiques particulières, et au deuxième alinéa, l’acte de lésions aux organes génitaux féminins, soit prives d’un effet mutilante, mais toujours capables de diminuer les fonctions des organes sexuels. À la création d’un texte spécial s’oppose le modèle répressif choisi par certains pays comme la France. En droit français, il n’existe pas de qualification juridique spécifique pour le fait de mutilation sexuelle, mais la France est le seul pays au monde où cette pratique est combattue devant les tribunaux depuis 1979, quand le premier cas a été jugé. Les MGF sont actuellement poursuivies et sanctionnées en matière criminelle au titre de coups et blessures volontaires ou violence ayant entrainé une mutilation ou une «infirmité permanente» de la victime, en appliquant des dispositions générales du Code pénal français. Toutefois la poursuite a été facilitée par l’introduction de trois dispositions avec la loi n°2006 -399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs: la répression des MGF commises à l’étranger, la levée du secret professionnel, et l’allongement du délai de prescription. Le fait qu’une norme ad hoc n’a pas été produite pour empêcher cette pratique sur le territoire de l’Etat fait tout à fait référence à l’esprit du modèle français d’intégration qui est fondé sur l’égalité et pas sur la différence. Le recours à une disposition pénale générale pour poursuivre les auteurs de MGF peut se montrer efficace, comme dans l’exemple français, car le gouvernement s’est efforcé, désormais depuis 30 ans, de sensibiliser l’opinion publique au fait que cette pratique constituait une infraction pénale très grave. Si l’adoption d’une législation spécifique en la matière pourrait ne pas sembler une voie appropriée en raison de son effet stigmatisant capable de souligner l’existence sur le territoire national italien de groupes ethniques différents, en revanche la répression pénale de ces atteintes irréversibles à la dignité humaine est indispensable.

Photo de couverture: Does the EU have zero vision on ending female genital mutilation? / Amnesty International

Ceci est une explication à but non lucratif.

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Mara Fiore

Italia. Diplômée en Droit (Licence en Droit de l'Université de Bologne), je me suis ensuite spécialisée avec un master 1 et 2 en Droit Constitutionnel européen et "multilevel constitutionalism" de l'Université d'Etat de Milan, sanctionné par un titre joint avec la faculté de Droit Public de l'Université de Montpellier I. Très bonne connaissance de quatre langues européennes, j’ai étudié et travaillé comme juriste et chargée de recherche juridique en Italie, France, Espagne et Pologne.


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